Origines familiales et identité 

Dora d’Istria, de son vrai nom Elena Ghica, est née en 1828 au sein d’une grande famille princière de Bucarest (principauté de Valachie). Membre de la dynastie Ghica (d’origine albanaise) – deux de ses oncles furent princes régnants de Valachie – elle porte le titre de princesse dès la naissance​fr.wikipedia.orgfr.wikipedia.org. Élevée dans un milieu cosmopolite et cultivé, elle reçoit une solide éducation polyglotte. Mariée en 1849 au prince russe Alexandre Koltzoff-Massalski, elle devient duchesse sous le nom d’Hélène Koltzoff-Massalsky, mais c’est sous le pseudonyme littéraire Dora d’Istria qu’elle se fera connaître dans toute l’Europe​fr.wikipedia.org. Artiste aux multiples talents, elle est à la fois peintre, femme de lettres(écrivaine, essayiste, historienne) et grande voyageuse, écrivant principalement en français et en italien​fr.wikipedia.org

Activités intellectuelles et voyages 

Après son mariage, Elena Ghica commence à écrire à Saint-Pétersbourg, en français, mais se heurte rapidement au climat autoritaire de la cour russe. Libérale convaincue, elle ne supporte pas l’autocratie tsariste ni l’emprise de la Russie sur son pays natal – elle prend position en faveur de l’indépendance des principautés roumaines lors de la guerre de Crimée​fr.wikipedia.org. Elle se sépare alors de son mari, quitte la Russie en 1855 (où elle devient persona non grata) et trouve refuge en Suissefr.wikipedia.org. Installée à Genève, elle publie son premier livre, La vie monastique dans l’Église orientale (1855), un essai qui dévoile son anticléricalisme en réclamant la suppression des ordres monastiques​fr.wikipedia.orgen.wikipedia.org. Passionnée de montagne, elle décrit ensuite les Alpes suisses dans Au bord des lacs helvétiques et La Suisse allemande et l’Ascension du Mönch (1856), récits de voyage où elle brosse le tableau des paysages et de l’organisation sociale de la Suisse​fr.wikipedia.org. Dora d’Istria voyage intensément à travers l’Europe : après son séjour helvétique, on la retrouve en Allemagne puis en Grèce, avant qu’elle ne s’établisse définitivement en Italie, à Florence, en 1870​fr.wikipedia.org

Partout où elle séjourne, Dora d’Istria déploie une activité littéraire foisonnante. Elle collabore à de nombreuses revues renommées, telles que la Revue des Deux Mondes en France, L’Illustration, la Rivista Europea en Italie ou encore l’Internationale Revue de Vienne​fr.wikipedia.org. Sa notoriété est telle que l’érudit italo-albanais Demetrio Camarda lui dédie en 1870 son anthologie de la poésie albanaise​fr.wikipedia.org. Parallèlement à sa carrière d’écrivaine, Dora d’Istria pratique la peinture et même l’alpinisme : elle compte parmi les premières femmes à avoir réussi l’ascension du mont Blanc (le 1ᵉʳ juin 1860)​en.wikipedia.org, exploit symbolisant son esprit audacieux et émancipé. 

Engagements pour les droits des femmes et des peuples 

Figure précoce du féminisme, Dora d’Istria s’intéresse de près à la condition des femmes. Dans ses écrits, elle prône l’émancipation féminine, regrettant que les grands penseurs masculins (de Voltaire à Rousseau) aient négligé ce combat​fr.wikipedia.org. Pour combler ce manque, elle met en lumière les œuvres d’autrices injustement oubliées, telles qu’Émilie du Châtelet, Madame de Lafayette, Louise d’Épinay ou Françoise de Graffignyfr.wikipedia.org. Elle-même publie des essais marquants sur la question des femmes, notamment Les femmes en Orient (1859-1860) où elle appelle à l’émancipation des femmes du Levant, et Des femmes, par une femme (1864) qui compare la condition féminine en Europe latine et en Europe germanique, exigeant avec vigueur l’égalité entre les sexes​en.wikipedia.org

Dora d’Istria s’engage également en faveur des droits des peuples opprimés. Patriote roumaine attachée à ses racines, elle s’enthousiasme pour la renaissance culturelle des nations d’Europe du Sud-Est : Roumains, Serbes, Bulgares, Grecs, et en particulier Albanais​fr.wikipedia.org. Elle défend le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (droit du sol) à une époque où l’Empire ottoman classe encore ses sujets par religion​fr.wikipedia.org. À partir de 1866, Dora d’Istria devient même l’une des principales voix occidentales de la cause albanaiseen.wikipedia.org. Dans la Revue des Deux Mondes, elle publie en 1866 un essai retentissant, La nationalité albanaise d’après les chants populaires, qui exalte l’identité nationale albanaise à travers le folklore (ce texte sera traduit en albanais l’année suivante)​en.wikipedia.org. Son engagement lui vaut une immense admiration parmi les patriotes albanais : ceux-ci la surnomment la « reine sans couronne » de l’Albanie, tant son influence intellectuelle est jugée déterminante pour leur mouvement national​en.wikipedia.org. De manière générale, toutes ses prises de position – en faveur de la liberté, de l’éducation et de l’égalité – font d’elle une voix progressiste majeure du XIXᵉ siècle européen. 

Œuvres principales 

  • La vie monastique dans l’Église orientale (1855) – Essai historique et social où Dora d’Istria critique vigoureusement le monachisme orthodoxe et appelle à la suppression des couvents, affirmant des idées libérales et anticléricales​en.wikipedia.org
  • La Suisse allemande et l’Ascension du Mönch (1856) – Récit de voyage en quatre volumes qui décrit les paysages, les mœurs et les habitants de la Suisse, incluant le récit autobiographique de son ascension du Mönch dans les Alpes bernoises​en.wikipedia.org
  • Les femmes en Orient (1859, 2 vol.) – Étude traitant de la condition des femmes dans l’Empire ottoman et au Proche-Orient, dans laquelle l’auteure plaide pour l’émancipation des femmes orientales et l’amélioration de leur statut​en.wikipedia.org
  • Excursions en Roumélie et en Morée (1863, 2 vol.) – Récits de voyages dans les provinces balkaniques de l’Empire ottoman (Roumélie, Morée), où Dora d’Istria relate ses observations et évoque le rôle civilisateur que pourraient jouer les nations modernes, à l’image de la Grèce antique​en.wikipedia.org
  • Des femmes, par une femme(1864, 2 vol.) – Essai comparatif sur la situation des femmes en Europe occidentale (latinophone) par rapport à l’Europe germanique, dans lequel elle réclame l’égalité entre hommes et femmesavec une verve passionnée​en.wikipedia.org
  • La nationalité albanaise d’après les chants populaires(1866, article) – Étude publiée dans une revue parisienne, analysant les chants populaires albanais pour revendiquer l’existence d’une nation albanaise distincte et appeler à son indépendance politique​en.wikipedia.org
  • Gli Albanesi in Rumenia (1873) – Ouvrage rédigé en italien (Les Albanais en Roumanie), qui retrace l’histoire de sa propre famille, les princes Ghica, et met en avant leurs racines albanaises, contribuant ainsi à l’historiographie du mouvement national albanais​en.wikipedia.org

NB : Outre ces œuvres majeures, Dora d’Istria a écrit de nombreux autres ouvrages et articles (en français, italien ou allemand) sur l’histoire, la littérature (La poésie des Ottomans, 1877), l’art ou la politique, publiés dans des revues à travers toute l’Europe​en.wikipedia.org

Influence, héritage et postérité 

Par son rayonnement intellectuel paneuropéen, Dora d’Istria a marqué son époque et au-delà. Elle fut élue membre de nombreuses académies savantes (notamment en France, en Italie et en Allemagne) et reçut des distinctions honorifiques à travers l’Europe – le Parlement grec lui décerna par exemple le titre symbolique de citoyenne d’honneur, tout comme plusieurs villes italiennes​en.wikipedia.org. Son nom demeure associé aux combats progressistes du XIXᵉ siècle : elle a inspiré les premiers mouvements féministes par ses appels à l’égalité des sexes, et a encouragé les élans nationalistes des peuples balkaniques par ses écrits engagés. Figure résolument cosmopolite, elle a fait le lien entre l’Orient et l’Occident, popularisant en Occident la culture et les aspirations des nations d’Europe orientale​fr.wikipedia.org. Sa mémoire est aujourd’hui célébrée dans plusieurs pays. Par exemple, en 2019, une rue de Genève a été rebaptisée temporairement en son honneur dans le cadre d’un projet féministe valorisant les femmes illustres de l’histoire​fr.wikipedia.org

Enfin, Dora d’Istria apparaît comme une source d’inspiration pour quiconque promeut le dialogue interculturel et les droits humains en Europe. Son héritage humaniste et européen est tel qu’il pourrait inspirer le nom d’une association culturelle européenne désireuse de symboliser la diversité culturelle, l’émancipation des femmes et la liberté des peuples. Porter le nom de Dora d’Istria serait, pour une telle association, une manière de revendiquer l’héritage d’une femme d’exception qui a œuvré pour rapprocher les cultures et défendre les droits fondamentaux à travers l’Europe au XIXᵉ siècle.​fr.wikipedia.orgfr.wikipedia.org 

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